« J'ai mal au dos quand je suis longtemps debout »,
« J'ai mal au cou quand je suis assis au travail, je dois prendre une mauvaise posture ».
On entend régulièrement ce type d'affirmations. Sont-elles justes ?
Nombre de douleurs sont attribuées à une « mauvaise posture ». Que peut-on en dire actuellement ?
Définition :
La posture se définit comme la position des différentes parties du corps à un moment donné.
La posture évolue à chaque instant car le corps humain n'est jamais réellement immobile.
La respiration, les contractions cardiaques et les mouvements liquidiens font varier la position du centre de gravité et donc la posture.
=> l'image d'un squelette parfaitement aligné et immobile est donc erronée !
Comment la posture évolue ?
Le squelette humain est capable de résister aux forces qui lui sont appliquées (ex : soutenir son propre poids, résister aux chocs lors d'activités physiques...) mais il est également capable de s'adapter, se modifier face à ces mêmes contraintes.
Lorsqu'un os est soumis à des contraintes musculaires répétées, il réagit et se renforce. A la manière d'un arbre face au vent, il s'adapte et modifie sa forme.
Si le modèle de l'arbre est simple, le corps humain est beaucoup plus complexe. De nombreux facteurs vont influer sur la « forme générale » ou « posture » de l'individu :
- l'activité physique (environ 600 muscles avec leurs tractions propres et leurs interactions)
- l'environnement socio-professionnel (positions de travail différentes, travail sédentaire ou non...)
- l'état des capteurs sensitifs (appareil visuel, appareil vestibulaire, capteurs proprioceptifs...)
- l'état psychologique ou émotionnel de l'individu (« bomber le torse » / « marcher la tête basse »)
- le vieillissement (développement moteur de l'enfant qui se redresse / enraidissement et repli sur soi de la personne âgée)
- certaines pathologies ou douleurs entraînant des déformations ou positions antalgiques
- …
La posture est donc la résultante de nombreux facteurs. Pour la faire évoluer, on peut influer sur ces différents facteurs.
Sur quels secteurs la kinésithérapie pourrait faire évoluer la posture ?
=> augmenter la tonicité de certains muscles
=> retrouver une mobilité sur des zones ankylosées
=> stimuler les capteurs sensitifs (articulaires notamment, par la proprioception)
Il s'agit inévitablement d'un travail sur du long terme et le patient devra nécessairement modifier certaines habitudes de vie.
Si la posture est vraisemblablement modifiable, existe-t-il pour autant une posture meilleure qu'une autre ? Peut-on dire que les douleurs sont nécessairement liées à une mauvaise posture ?
Reprenons quelques idées reçues sur la posture et confrontons les aux données actuelles de la science :
* « J'ai mal au dos car j'ai le dos trop creusé » : Douleurs lombaires et posture
Le bas du dos creusé (ou « hyperlordose lombaire ») est souvent tenue pour responsable des douleurs lombaires.
En réalité, l'angulation lombaire (ou « posture du bas du dos ») n'est pas différente entre les personnes lombalgiques et les personnes sans douleurs [1].
=> La posture lombaire n'est donc pas responsable des douleurs.
Qu'en est-il pour d'autres parties du corps ?
- Pour le cou : On ne retrouve pas de lien entre posture cervicale et douleurs [2].
- Pour l'épaule : La position de l'épaule n'est pas responsable des douleurs [3].
- Pour la longueur des membres inférieurs : avoir une jambe plus courte n'occasionne pas de douleur lombaire [4]
* “J'ai le bassin décalé/déplacé” : La position du bassin serait responsable de douleurs?
En 2008, Preece étudie bascules et rotations du bassin. Il conclue que la position du bassin est déterminée par les équilibres musculaires et ligamentaires mais aussi par la forme du bassin. [5]
Dans cette même étude, il montre également que pour une majorité des sujets testés le bassin est naturellement antériorisé du côté droit.
=> l'asymétrie du bassin serait donc la norme!
Dans une autre étude, on ne retrouve pas de corrélation entre bascule du bassin et douleurs lombaires [6].
“Je m'assieds mal donc j'ai mal au dos”
Dans l'imaginaire collectif, afin d'éviter les douleurs cervicales, dorsales ou lombaires, il faudrait pouvoir se tenir droit malgré une postition assise prolongée (travail sur ordinateur par exemple).
=> L'étude de Claus relève que les individus ont naturellement tendance à s'affaisser en position assise. Cependant, cette tendance n'entraine pas forcement de douleurs [7].
“En vieillissant, je me tiens de plus en plus vouté et donc j'ai mal au dos”
Avec l'âge, les courbures du rachis se modifient. Pour diverses raisons (effets de la gravité et perte de masse musculaire, pathologies associées...), les tendances posturales s'accentuent. . Pour autant, les douleurs ne sont pas corrélées à cette augmentation [8;9].
Bilan clinique et radiologique
Comme évoqué précedement, la posture évolue en permanence. Dès lors, on peut se demander si le bilan clinique ou radiologique à un instant T a-il une réelle valeur diagnostique.
=> En 2016, Dreischarf et ses collègues [10] ont étudié la posture lombaire de 208 volontaires. Ils ont montré que les valeurs retrouvées lors de l'examen clinique et radiologique ne correspondaient pas à celle retrouvées chez les mêmes personnes dans la vie réelle.
La posture adoptée par le patient lors d'un examen clinique ou radiologique ne correspond pas avec sa posture habituelle.
=> Si l'observation posturale peut apporter certaines informations, elle ne permet pas, à elle seule, de définir un plan de traitement.
Que faut-il retenir?
- Il n'existe pas de posture parfaite, assurant une non douleur.
- Les individus sans douleur n'ont pas une meilleure posture que les autres.
- Les asymétries sont normales: aucun individu n'est parfaitement aligné.
Bien souvent incriminée, la posture n'est pas forcement responsable des douleurs. Si dans certains cas la posturologie est intéressante, il est utile de rechercher d'autres origines possibles à cette douleur. Le bilan global kiné ou ostéo fait partie de cette recherche.
Sources:
[1]Laird R.A.et al. How consistent are lordosis, range of movement and lumbo-pelvic rhythm in people with and without back pain? BMC Musculoskeletal Disorders. 2016. 17:403.
[2] Grob D. et al. The association between cervical spine curvature and neck pain. Eur. Spine J. 2007 May; 16(5): 669–678
[3]Lewis J.S. et al. Subacromial impingement syndrome: The role of posture and muscle imbalance. J.sh. elb. Surg. 2005. Volume 14, Issue 4, Pages 385–392
[4] Grundy P.F et Roberts C.J. Does unequal leg length cause back pain? A case-control study. Lancet. 1984 Aug 4;2(8397):256-8.
[5]Preece S.J. Variation in Pelvic Morphology May Prevent the Identification of Anterior Pelvic Tilt. J.Man Manip Ther. 2008; 16(2): 113–117.
[6]Bullock-Saxton J. Postural alignment in standing: A repeatability study. Aust J Physiother. 1993; 39(1):25-9.
[7]Claus A.P. et Al. horacic and lumbar posture behaviour in sitting tasks and standing: Progressing the biomechanics from observations to measurements. Applied Ergonomics. Vol 53. 2016; 161-168.
[8] Asai Y. Et al. Sagittal spino-pelvic alignment in adults: The Wakayama Spine Study. PloS One. 2017 Jun 6;12(6)
[9]Chen Y. et Al. The change of cervical spine alignment along with aging in asymptomatic population: a preliminary analysis. European Spine Journal. Sept 2017. vol 26. 2363-2371
[10] Dreischarf et al. Differences between clinical “snap-shot” and “real-life” assessments of lumbar spine alignment and motion – What is the “real” lumbar lordosis of a human being. Journal od Biomechanics. Vol 49. 2016, 638-644.